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Le sombre éclat d’un lointain navire stellaire se matérialisa, l’aiguille bleutée de ses échappements ionisés le poussant en travers de l’immense disque brillant d’un soleil orangé. Comme un million d’autres astres identiques dans la région du Noyau, celui-ci était dépourvu du moindre monde civilisé, de la moindre espèce pensante. Il était d’ailleurs si inconséquent qu’on ne lui avait attribué pour seul nom qu’un vague et antique numéro d’identification datant de l’occupation Impériale. Devant tant d’immensité et tant de mondes inoccupés, Jaina Solo se dit qu’on ne devrait jamais avoir à se battre, qu’il y avait suffisamment de place pour tout le monde. Mais le confort était toujours bien plus facile à dérober qu’à gagner, la paix bien plus aisée à rompre qu’à maintenir – comme le disait si souvent sa mère. Les Yuuzhan Vong s’étaient abattus sur une galaxie qui aurait finalement très bien pu les accueillir à bras ouverts. Il s’agissait d’une erreur que ces extraterrestres se devaient encore de comprendre. Mais un jour, Jaina en était persuadée, un jour les Jedi leur ouvriraient les yeux…

R2-D2 formula une demande sifflante depuis sa station de connexion cybernétique installée à l’arrière de la passerelle de commandement de l’Ombre de Jade.

– Reste branché, R2, dit Jaina sans se retourner. Ils ne nous ont toujours pas envoyé de signal. Et Mara a encore besoin de se reposer.

Le droïde émit une longue objection électronique.

Jaina jeta un coup d’œil à l’écran de l’interface puis leva les mains en l’air.

– Bon, d’accord. Si c’est ce qu’elle a dit, tu peux aller la réveiller.

R2-D2 se déconnecta de sa console et roula en direction de la cabine des passagers, laissant Jaina seule sur le pont de l’Ombre de Jade. Elle estimait que l’appareil, même ainsi, en orbite d’attente, avec tous ses systèmes au minimum et ses propulseurs ioniques froids et silencieux, évoquait plus une armure blindée de combat qu’un vaisseau spatial de soixante-dix tonnes. Le siège ergonomique, la configuration plongeante de la passerelle et la verrière panoramique donnaient à Jaina la sensation de flotter librement dans le vide de l’espace, alors qu’une nouvelle batterie de capteurs à commande rétinienne se chargeait de lui transmettre, par l’intermédiaire de projections holographiques, tout ce qui se trouvait en dehors de son champ de vision. Les communications et les contre-mesures pouvaient être contrôlées au moyen d’une série d’interrupteurs installés le long de la commande des gaz. Un assortiment de boutons identiques, intégrés au manche, était affecté aux capteurs, armes et déflecteurs. Même les systèmes vitaux pouvaient être modifiés au seul son de la voix quand une unité astromécanicienne était reliée à la console de connexion cybernétique du poste de passerelle réservé aux droïdes. C’était là le cockpit parfait et, lorsque viendrait le moment de posséder son propre vaisseau, Jaina mettrait un point d’honneur à reproduire la configuration des fauteuils de celui-ci, avec le pilote assis seul, à l’avant et en contrebas, le copilote et le navigateur occupant les deux sièges installés côte à côte juste derrière. C’était d’ailleurs ce détail de la disposition qui lui plaisait le plus.

La rêverie de Jaina fut interrompue par une sensation soudaine de profonde perturbation, une vague inattendue dans la Force qui se métamorphosa bientôt en une étrange frénésie. Elle ouvrit son esprit un peu plus et perçut brièvement une onde d’envie grondante, de faim insatiable. Rien de vraiment maléfique, mais plutôt quelque chose de sinistre, de sauvage, suffisamment brutal pour obliger la jeune femme à s’étrangler de surprise et à s’arracher à son emprise.

Sentant une perle de sueur glacée lui couler sur le front, Jaina enclencha le bouton des communications de la manette des gaz et demanda à Mara, par l’intercom, de la rejoindre sur le pont. En attendant, elle étudia les écrans des capteurs. Il n’y avait rien d’anormal. Mais Jaina ne savait que trop bien qu’il était préférable de ne pas faire totalement confiance aux instruments. Elle et Mara avaient placé l’Ombre en orbite autour de la planète la plus proche de l’astre orangé. C’était une boule de magma, ceinte d’un anneau de débris, qui gravitait à un peu plus de vingt millions de kilomètres de son soleil. En l’absence de R2-D2 et de ses corrections constantes de la résolution des visuels, tout ce que Jaina pouvait apercevoir au loin était un enchaînement constant de décharges électromagnétiques.

Devinant le reflet d’un mouvement dans la verrière, Jaina posa les yeux sur un capteur rétinien installé à l’avant du cockpit. Instantanément, une petite section de plexalliage s’opacifia pour se transformer en miroir révélant la silhouette svelte de Mara Jade Skywalker qui pénétrait sur la passerelle. La cascade rousse et dorée de la chevelure de l’épouse de Luke n’était qu’un enchevêtrement de boucles nouées par un séjour prolongé sur l’oreiller. Son teint, fort heureusement, avait perdu de sa grisaille et ses grands yeux verts semblaient beaucoup moins embrumés qu’ils ne l’avaient été depuis quelque temps. Jaina se leva et, se sentant un peu comme un enfant qu’on aurait surpris dans le placard à confitures, s’empressa de libérer le fauteuil de pilote. Mara lui fit un signe de la main.

– Non, reste assise, tu en as parfaitement le droit. (Elle se laissa tomber dans le siège du navigateur. L’air purifié par le système de filtration se chargea soudain d’un parfum sucré de talc et de lotion stérilisante qui semblait s’accrocher obstinément à elle, même lorsqu’elle se trouvait à des milliers d’années-lumière de son bébé. Elle hocha le menton en direction du lointain navire spatial.) Ce sont nos deux enquiquineuses ?

– Le transpondeur l’a bien identifié comme étant le Chasseur de Nébuleuses, dit Jaina. (R2-D2 regagna son poste à la console et confirma l’identification d’un petit grincement.) Mais aucun signal d’accostage n’a été transmis. Et puis, il y a quelques instants, j’ai ressenti quelque chose, heu… d’étrange… dans la Force.

– Je le sens toujours, répondit Mara en hochant la tête. Mais je ne pense pas que cela provienne de nos deux passagères. Il y a quelque chose qui cloche.

– Il y a tout qui cloche, enchaîna Jaina. (Croiseur Corellien de mille mètres de long, équipé d’un propulseur subluminique Hœrsch-Kessel, le Chasseur de Nébuleuses avait déjà franchi plus de la moitié du disque du soleil orange. A présent, par la verrière, il était aussi gros que l’index de Jaina, et sa tramée bleutée trois fois plus longue.) Toujours pas de signal. On devrait peut-être leur laisser une orbite supplémentaire. Après quoi, on pourrait se glisser derrière la planète et mettre la gomme…

Mara secoua la tête.

– Luke a raison à propos de ces deux-là. A force de brandir leurs sabres à tort et à travers, elles causent plus de morts que de raison. Il faut profiter du fait qu’elles ont besoin d’un moyen de transport pour leur mettre le grappin dessus. (Elle passa les baudriers de son harnais de sécurité par-dessus ses épaules et en verrouilla les attaches.) Tenons-nous prêtes. Passe en préchauffage.

– Qui, moi ? (Jaina avait déjà eu l’occasion de piloter l’Ombre de Jade, mais, pour ce voyage, sa tante avait préféré conserver les commandes. Probablement parce qu’il s’agissait de sa toute première mission à bord de son cher vaisseau depuis la naissance de Ben. Ou bien avait-elle simplement ressenti le besoin de s’occuper l’esprit pendant le temps qu’elle passerait loin de son fils ?) Mais, enfin, c’est ton vaisseau !

– J’ai encore besoin d’un peu de sommeil. Tant que tu n’as pas eu de bébé, tu ne peux pas te rendre compte du luxe que cela représente ! (Mara demeura silencieuse pendant quelques instants.) Il s’agit d’un ordre, pas d’une suggestion, ajouta-t-elle d’un ton ferme.

– Bien compris ! (L’éclat de rire de Jaina fut teinté d’un brin d’amertume. A dix-neuf ans, elle avait eu la possibilité de sortir avec des garçons, mais la guerre l’avait empêchée de poursuivre plus sérieusement la moindre relation. Même encore aujourd’hui, sa permission, accordée par l’Escadron Rogue, n’était que temporaire, le temps de laisser s’apaiser ce mouvement anti-Jedi qui grondait au sein du Sénat.) Comme si j’avais le temps d’avoir un bébé…

La jeune femme se pencha pour activer le démarreur des unités ioniques. Elle s’interrompit en plein geste, car R2-D2 venait de pousser un sifflement alarmiste. Le tableau de bord holographique s’affola et afficha une succession de formes et de couleurs avant de se recentrer sur l’image d’un petit appareil cylindrique qui croisait à leur rencontre, par-delà la couronne incandescente du soleil orange.

– Voilà qui explique leur silence, dit Mara. (Le poste du navigateur, bien que dénué d’instruments holographiques, était cependant équipé d’une batterie complète de moniteurs traditionnels.) R2, tu crois que nous sommes de taille à les affronter ?

Un message apparut sur tous les écrans de communication, annonçant à Mara et à Jaina la sinistre nouvelle : la représentation n’était pas à l’échelle. Une série de données en provenance des senseurs s’affichèrent, apportant à chaque instant un peu plus d’informations sur les véritables dimensions, la vélocité et la composition de la coque du nouvel appareil. Jaina émit un petit sifflement et regarda par la verrière teintée du cockpit en direction de la silhouette à peine discernable qui progressait derrière le Chasseur de Nébuleuses.

– On dirait une sorte de frégate, dit Jaina. Qu’est-ce que tu veux qu’on fasse ?

– La seule chose qu’on ait à faire. (Il y avait une note de prudence dans la voix de Mara. Un paramètre qui lui avait été totalement étranger avant la naissance de son fils.) On met les systèmes en veilleuse et on attend.

 

Dans les appartements privés du Capitaine Pollux, à bord du Chasseur de Nébuleuses, les sœurs Rar se tenaient debout côte à côte face à la console vidéo relayant les informations provenant de l’extérieur. Leurs longues queues crâniennes – leurs lekkus – se tordirent nerveusement lorsqu’un important morceau de corail yorik se détacha de la frégate et mit le cap sur le Chasseur. Criblé de crevasses et de cratères, le petit appareil évoquait plus un astéroïde exsangue de minerais à la suite de forages abusifs qu’une barge de transbordement. L’écran des senseurs confirmait cependant la signature thermique d’au moins une centaine de guerriers embarqués à son bord. Une autre créature, plus grande, plus froide, était également présente, mais les deux sœurs n’avaient pas eu besoin de consulter les renseignements fournis par les capteurs pour s’en apercevoir. Lorsqu’elles avaient projeté les ondes de la Force vers le cosmos, elles avaient palpé cette même présence affamée qu’elles avaient déjà décelée lorsque la frégate était apparue en bordure de la couronne solaire. Quelle que soit la chose que les Yuuzhan Vong avaient amenée avec eux, elle semblait en tout cas bien mieux adaptée à cette galaxie que ses maîtres ne le seraient jamais.

Alema isola la signature thermique de la créature et demanda à l’ordinateur de bord de l’identifier. Puis elle se tourna vers sa sœur, Numa, occupée à étaler sur la couchette du capitaine tous les accessoires nécessaires à leur déguisement : deux tenues de danseuse très légères, du maquillage et guère plus. Ayant passé l’année qui venait de s’écouler à diriger un farouche mouvement de résistants sur le monde occupé de New Plympto, il ne faisait aucun doute pour les deux sœurs que c’étaient bien elles que le détachement venait chercher. Fort heureusement, leurs ennemis croyaient traquer une seule et unique femme humaine, et non deux danseuses Twi’lek. En tant que chefs de la résistance, elles avaient toujours pris soin de ne jamais apparaître ensemble et de toujours dissimuler leurs lekkus sous les amples capuches de leurs manteaux de Jedi.

Lorsque les deux sœurs revinrent à la console vidéo, après avoir ôté leurs combinaisons de vol et passé des tenues moins rigides, elles constatèrent que les Yuuzhan Vong étaient en train de débarquer de leur appareil dans la baie d’accostage. Avec leurs fronts fuyants, leurs yeux cernés sous les membranes bleues et tombantes qui leur servaient de paupières, ils dépassaient d’au moins une demi-tête un humain de taille moyenne. Ils paraissaient également beaucoup plus lourds. Leurs faciès brutaux avaient subi d’affreuses transformations, changeant leurs visages en masques parcheminés, mélanges de cartilages disjoints et de chairs tuméfiées. Leurs corps puissants étaient entièrement décorés de tatouages religieux et de scarifications rituelles. La plupart portaient des armures vivantes dont les plaques étaient constituées de carapaces de crabes vonduuns. Tous étaient équipés du traditionnel bâton Amphi Yuuzhan Vong, une sorte de serpent susceptible de se transformer à volonté en trique, en lance acérée ou bien en fouet dardé de pointes empoisonnées. Le plus épouvantable des guerriers, une brute aux épaules voûtées, avec deux sombres cavités à l’emplacement du nez, joua des coudes avec arrogance au milieu des gardes pour s’avancer jusqu’au Capitaine Pollux.

– Vous avez des Jeedai à bord ?

– Non, mentit calmement Pollux. C’est pour ça que vous nous avez interceptés ?

Le guerrier ignora la question du capitaine.

– D’où venez-vous ? Talfaglio ? Saccoria ?

– Vous ne croyez tout de même pas que je vais vous le dire ! répondit Pollux. Aux dernières nouvelles, notre galaxie tout entière est en guerre contre vous.

La réplique provoqua chez le Vong un grondement peu enthousiaste, mais chargé de respect.

– Nous ne sommes que des éclaireurs, Capitaine, et vous transportez des réfugiés. Vous n’avez rien à craindre de nous… A condition de nous dire dès maintenant s’il y a des Jeedai parmi vos passagers.

– Il n’y en a pas. (Pollux ne détourna même pas les yeux en répondant. Sa voix ne faillit pas non plus. Tout officier de vaisseau spatial civil savait que les Yuuzhan Vong ne percevaient pas la Force.) Vous pouvez fouiller, si vous voulez.

Le guerrier lui adressa un sourire.

– Mais je le veux, Capitaine, je le veux. (Il se tourna vers la barge de transbordement et lança un ordre dans sa langue :) Duwin tur voxyn !

Une fente se dessina à l’arrière de l’appareil, puis s’ouvrit doucement, comme s’il venait soudainement de se doter de deux lèvres pulpeuses. Une paire d’yeux jaunes et ovoïdes apparut dans l’obscurité. A l’autre bout du navire, Alema ressentit à nouveau cette vague de faim insatiable dans la Force qui devenait de plus en plus distincte. Lorsque la faille atteignit près de cinquante centimètres, un trait d’ébène jaillit par l’ouverture et retomba sur le sol de la soute en un ondoiement de ténèbres.

– Des nuages de feu ! s’étrangla Numa.

La créature – le fameux voxyn, comme l’avait deviné Alema en se fondant sur ce qu’elle comprenait du langage Yuuzhan Vong – se mit à fouiner un peu partout dans la soute, perchée sur ses huit pattes arquées. Si elle dépassait à peine, en hauteur, le niveau des hanches des personnes présentes, elle mesurait plus de quatre mètres de long. Sa tête plate et son corps sinueux étaient entièrement recouverts d’écaillés noires. Une ligne de cils épais et sensitifs courait le long de son arête dorsale et des flagelles blancs terminaient en panache sa longue queue, à l’image d’un fouet. La bête tourna autour du capitaine et des membres d’équipage apeurés avant de se diriger vers l’arrière de la baie d’accostage.

Sur leur écran vidéo, les deux sœurs virent Pollux foudroyer le guerrier Yuuzhan Vong du regard.

– Pourquoi avez-vous amené ce… cette chose à bord de mon vaisseau ?

Du revers de la main, le guerrier administra à Pollux une gifle qui précipita le capitaine au sol.

– Vous ne croyez tout de même pas que je vais vous le dire ! répondit-il en éclatant de rire.

Les gardes de Pollux hésitèrent à riposter. Le capitaine, du regard, leur fit signe de ne pas bouger et se releva avec autant de dignité que possible.

Alema fit alors pivoter une petite antenne de transmission de faisceaux concentrés vers la planète obscure où devait les attendre le vaisseau spatial avec lequel elles avaient rendez-vous. Puis elle composa un code secret Jedi de communication et transmit tout ce qu’elles étaient en train de voir sur leur moniteur. La proximité du soleil orange provoquerait certainement des interférences dans le signal, mais celui-ci pouvait être amplifié à sa réception. Ce serait déjà mieux que rien si jamais elle et Numa ne réussissaient pas à s’échapper.

Le voxyn déambula autour des navettes, puis inspecta le reste de la soute pendant quelques instants. Il s’engouffra ensuite dans un corridor adjacent. Les deux Twi’lek le perdirent de vue, le temps pour Alema de se connecter au signal du bon scanner. Lorsque l’image apparut de nouveau, la bête était en train de parcourir méthodiquement la coursive principale du vaisseau, à croire qu’elle avait emprunté des trottoirs roulants toute sa vie. A l’entrée du large couloir s’avança une troupe de Yuuzhan Vong. Leur méfiance naturelle envers la technologie les obligea à éviter le translateur et ils s’engagèrent sur la partie fixe du trottoir. Finalement, ils décidèrent de ne pas courir à la suite de la créature. Ils s’éparpillèrent alors en petits groupes à travers tout le vaisseau.

Alema régla un scanner de surveillance sur le voxyn et, pendant l’heure suivante, sa sœur et elle observèrent la créature en train d’arpenter les ponts principaux du Chasseur de Nébuleuses, flairant de temps en temps un réfugié terrifié ou relevant nerveusement la tête à chaque fois qu’un son mécanique venait à retentir. Enfin, la créature plongea dans une fontaine décorative et se mit à nager en cercle autour de la statue d’un oursin astral Mon Calamari. Ses cils dorsaux se dressèrent et ses grands yeux jaunes se braquèrent sur le plafond de la salle. Avec un sentiment de malaise, Alema se tourna vers le générateur holographique de la cabine et demanda à l’ordinateur de lui projeter un plan tridimensionnel du navire stellaire. Après quelques réglages, il devint évident que les appartements privés du Capitaine Pollux se trouvaient exactement au-dessus de la créature, dix étages plus haut.

– Très déplaisant… dit Numa. (Les pointes de ses lekkus fouettèrent vivement l’air.) On dirait que cette chose a deviné où nous sommes.

– Cela n’a pas de sens. (Alema projeta les ondes de la Force et perçut cette même sensation de faim insatiable, de plus en plus pressante et juste en dessous d’elle.) A moins qu’elle ne se serve de la Force pour nous pister.

Un frisson parcourut les lekkus de Numa et elle dévisagea sa sœur du coin de ses yeux en amande.

– On peut dire que tu n’as pas ton pareil pour choisir l’hypothèse la plus alarmante.

– Alarmante, certes, mais plausible.

Alema indiqua l’écran vidéo. Le voxyn venait de reprendre sa course dans le couloir en direction de l’ascenseur le plus proche.

Numa étudia l’image pendant un moment avant de déclarer :

– On dirait que tu as raison. Peut-être qu’on devrait se camoufler.

Après quelques instants de méditation, elles commencèrent à se refermer sur elles-mêmes, dissimulant leur présence dans les ondes de la Force. Lorsqu’elles parvinrent à ne même plus se percevoir l’une l’autre, Alema regarda à nouveau le moniteur vidéo. Le voxyn venait d’atteindre le tube de l’élévateur. Il frappa la commande d’activation avec l’une de ses griffes, puis força son thorax à l’intérieur du tube. Le courant répulseur le souleva et son long corps sinueux fut aspiré vers le haut du puits. La Twi’lek suivit le tracé de l’ascenseur sur une centaine de mètres. Il débouchait sur le pont des officiers, à moins de deux cents mètres en contrebas de l’endroit où elles se trouvaient. La créature reprit son inspection méthodique des coursives.

– Ça ne sert à rien, il peut toujours sentir notre présence. (Elle se tourna vers la sacoche qui contenait leurs combinaisons et leurs sabres laser.) On pourrait peut-être le coincer à la sortie d’un élévateur ?

– Et après ? demanda Numa. Les balafrés concluront vite que le Capitaine Pollux leur a menti.

– Ils s’en rendront compte de toute façon dès que cette chose viendra gratter à notre porte. (Désolée de ne pouvoir revêtir à nouveau sa combinaison, Alema sortit son sabre laser de la sacoche et activa sa lame argentée.) Si on doit se faire prendre, autant en profiter pour éliminer quelques Yuuzhan Vong.

– Non, dit Numa, tendant la main et éteignant le sabre laser de sa sœur. Je ne le permettrai pas. Pas après ce qui s’est passé sur New Plympto.

Rendus furieux par la résistance de la planète en question, les Yuuzhan Vong l’avaient infestée d’une peste mortelle qui y avait balayé toute forme de vie. Dissimulés à bord de convoyeurs miniers rassemblés en flotte à la bordure du système, les deux sœurs, et quelques milliers d’autres, avaient assisté à cette destruction. Les survivants avaient discrètement rejoint l’espace profond peu de temps après que leurs ennemis eurent abandonné le monde dévasté.

– Mais ce sont des Yuuzhan Vong, dit Alema. Tu penses qu’ils vont pardonner au capitaine de leur avoir menti ?

– J’en doute, rétorqua Numa en retournant à la console. Nous devons leur faire croire que leur créature se trompe.

Elle activa un hologramme qui représentait la frégate Yuuzhan Vong flottant à cinq cents mètres de la baie d’accostage du Chasseur de Nébuleuses. Mesurant à peine deux cents mètres de long, le vaisseau ennemi paraissait bien petit comparé à la taille du navire stellaire, mais ses nodules d’armement, crépitant sur ses flancs, ne laissaient aucun doute quant à ses capacités destructrices.

Alema comprit immédiatement le plan de sa sœur.

– On prendra une navette de sauvetage en chemin…

Elle remit son sabre laser dans leur sacoche de voyage et lança le sac à Numa. Puis elle s’empara d’un databloc qui traînait sur la table de nuit de la couchette du capitaine et ouvrit un canal de communication relié aux capteurs vidéo braqués sur l’espace. Les deux sœurs quittèrent les appartements privés du capitaine et coururent jusqu’à l’autre bout du pont des officiers. Arrivée au tube élévateur, Alema consulta son databloc et découvrit que le voxyn était en train de patauger dans l’un des bassins d’épandage, à deux niveaux en dessous d’elles. Les yeux jaunes de la bête étaient toujours fixés sur le plafond, à suivre leur déplacement pas à pas.

– Il sait que nous avançons, dit Alema.

– Oui, mais apparemment sa notion des distances n’est pas des plus précises. (Des deux sœurs, Numa était toujours la plus optimiste.) Où va-t-on ?

Alema fit apparaître un graphique des stations d’évacuation installées dans les flancs du vaisseau. Elle en choisit une qui s’ouvrait exactement à l’opposé de l’endroit où se trouvait la frégate des Yuuzhan Vong.

– Pont des machines, section quarante-deux. (Elle procéda à une surveillance rapide du segment en question et découvrit un détachement de Yuuzhan Vong sur le point de détruire un droïde chargé du contrôle gravitationnel.) Il va falloir bluffer une escouade de balafrés.

– Tu as un plan de secours ?

Alema consulta son databloc pour trouver un autre moyen de s’échapper, puis secoua la tête.

– Non, rien. A moins d’essayer de s’échapper par l’angle mort des capteurs du Chasseur…

– Hors de question. (Les pointes des lekkus de Numa se recroquevillèrent vers l’intérieur.) On va y aller à mains nues.

– A mains nues ? (C’était le terme qu’elles utilisaient sur New Plympto lorsqu’elles étaient obligées de cacher leurs armes et de se déguiser afin de passer pour des esclaves.) Mais tu es folle ! Je n’abandonnerai pas mon sabre laser !

– Au risque de faire massacrer tout le monde à bord ? (Numa s’empara de son sabre laser dans la sacoche de voyage, dévissa la crosse, démonta de son support le cristal adegan chargé de concentrer le faisceau et le fixa dans son nombril au moyen de quelques points de colle de grimage. Sous sa tenue vaporeuse, le joyau doré ressemblerait à s’y méprendre à un ornement de danseuse.) Tu crois que le souvenir de ce qui est arrivé à Daeshara’cor mérite qu’on fasse preuve d’autant d’égoïsme ?

Alema empoigna ses lekkus, puis les rabattit derrière son dos. Bien qu’elle n’ait jamais vraiment été leur maître, Daeshara’cor était pourtant celle qui avait découvert le potentiel des deux Twi’lek. Au cours de l’une des rares visites d’un Jedi sur Ryloth, elle avait reconnu le talent inné des deux sœurs Rar à utiliser la Force. Elle les avait sauvées de l’une des plus sinistres prisons Ryll sur Kala’uun et s’était occupée de leur transfert jusqu’à l’Académie d’entraînement des Jedi. Alema soupira et tendit la main.

– Puisqu’il le faut…

Numa déposa le sabre laser dans la paume de la main de sa sœur. Alema en démonta le cristal adegan et dissimula le joyau dans son nombril. Elles jetèrent leurs tuniques de Jedi et le reste de leurs armes dans un vide-ordures désintégrateur. Elles empruntèrent alors un ascenseur et descendirent de vingt niveaux jusqu’au pont des machines. Elles déposèrent ensuite sciemment leur sacoche sur le sol de la coursive, à l’entrée du tube. Il s’agissait d’un acte de sabotage beaucoup moins voyant qu’une destruction pure et simple du panneau de contrôle, mais tout aussi efficace. Les circuits chargés d’éviter les collisions entre les élévateurs interdiraient l’accès au tube tant qu’on n’aurait pas vérifié que tout risque d’accident était écarté.

– Il est temps d’avoir l’air frivole, déclara Alema.

Elle fit apparaître un émotidrame à l’eau de rose des plus banals sur l’écran de son databloc et les deux sœurs se mirent en route vers la section quarante-deux. Tout en progressant dans la coursive, elles passèrent la tête dans chacune des salles qu’elles rencontraient, appelant bruyamment une personne nommée Travot. Lorsqu’elles atteignirent le poste du contrôle des inductions, un guerrier Yuuzhan Vong s’avança en travers de leur chemin. Il portait trois longues cicatrices sur chaque joue et une de ses oreilles avait subi des dommages irréparables. Il appartenait clairement à une caste de guerriers inférieure. Les deux sœurs se plaquèrent contre la cloison la plus éloignée et, faisant de leur mieux pour paraître choquées et dégoûtées, elles se glissèrent devant l’extraterrestre.

Ce dernier leur bloqua le passage en abaissant son bâton Amphi.

– Où allez-vous ?

– V… Voir Travot, dit Numa en adoptant une voix terrifiée et hésitante. Il travaille aux transformateurs.

– Aux transformateurs ? répéta le Yuuzhan Vong.

Alema haussa les épaules, puis baissa les yeux sur son databloc, comme si elle ne pouvait résister à l’attraction de son émotidrame.

– Oui, c’est là qu’il travaille.

Un autre Yuuzhan Vong, avec le nez crochu et le visage strié de balafres d’un officier de seconde classe, s’avança dans le corridor. Il dévisagea brièvement les deux sœurs. Voyant que leurs tenues de danseuse ne leur permettaient pas de dissimuler un sabre laser ou quoi que ce soit d’autre, il leva son index pour indiquer le couloir par lequel elles étaient venues.

– Ce vaisseau fait l’objet d’une inspection. Retournez à vos couchettes.

Numa et Alema adoptèrent des airs apeurés et confus, mais ne bougèrent pas.

– Obéissez ! dit le soldat.

– On… On ne peut pas, dit Alema.

– Ils ont condamné le pont réservé à l’équipage, dit Numa. Et ils ont fermé notre salon.

– Tenez, regardez… (Alema fit apparaître un pan du vaisseau sur son databloc et le tendit à l’officier.) Nous n’avons nulle part où aller…

– Ne me contaminez pas avec vos objets profanes ! (L’officier fit tomber le databloc des mains d’Alema et l’écrasa sous son talon. Il fit alors signe à une personne qui se trouvait dans une pièce voisine.) Amenez-moi l’infidèle qui est chargée des machines.

Un troisième Yuuzhan Vong apparut dans l’encadrement de la porte, poussant devant lui une femme couverte de contusions. L’une de ses paupières était entaillée et la moitié de son visage baignait dans un sang aux senteurs cuivrées.

– Il y a un certain Travot dans votre équipe ?

Numa vit sa sœur attirer le regard de la femme ingénieur d’un hochement de tête à peine perceptible, utilisant la Force pour lui suggérer qu’elle connaissait Travot. Profitant de l’insensibilité des Yuuzhan Vong à la Force, Alema projeta des ondes et perçut la présence de plus d’une centaine d’individus, pour la plupart terrifiés, furieux ou blessés. Elle ne parvint pas à percevoir leurs agresseurs, bien entendu. Ils étaient aussi invisibles dans la Force que la Force l’était pour eux. En revanche, elle sentit la voracité du voxyn se rapprocher d’elles. L’animal avait dû emprunter un autre ascenseur.

Au bout de quelques instants de confusion, l’ingénieur prit la parole :

– Oui, il y a bien un Travot qui travaille aux machines, mais il ne fait pas partie de mon équipe.

L’officier observa les deux sœurs, passant sans doute en revue tous les moyens de mettre un terme à cette situation. Alema décida de lui faciliter la tâche en agissant comme si la réponse lui convenait, une façon subtile de forcer la main d’un interlocuteur que sa sœur et elle avaient perfectionnée dans les geôles Ryll de Kala’uun.

– Les machines, c’est par là, pas vrai ? Section quarante-deux, c’est ça ?

– Exact, dit l’ingénieur. Section quarante-deux.

Alema fit un pas au-devant de sa sœur et posa les yeux sur le bâton Amphi lui barrant le passage. Le subalterne leva les yeux vers son officier. Celui-ci lui lança un regard noir et lui fit signe d’y aller.

– Accompagne-les et reviens à ton poste.

Sans attendre que le guerrier leur ouvre le passage, les deux sœurs se glissèrent sous le bâton Amphi et reprirent leur marche dans la coursive. Les sections de la coque étaient séparées par des arches structurelles assez simples qui enjambaient le couloir tous les dix mètres. Chaque arche contenait une mince porte de duracier qui pouvait s’abaisser automatiquement au premier signe de dépressurisation. Ces cloisons pouvaient également être activées au son de la voix, mais l’équipage avait judicieusement évité de se servir des codes secrets pour enfermer et isoler les détachements Yuuzhan Vong chargés de fouiller le navire.

Pressant le pas dans le couloir, Alema projeta à nouveau les ondes de la Force et sentit le voxyn juste derrière elles, au même niveau et se rapprochant à très grande vitesse. Elles venaient d’atteindre la section trente-trois, et il leur fallait encore franchir quatre-vingt-dix mètres avant de rejoindre la capsule de sauvetage.

– J’ai froid, dit Alema en frottant ses bras nus. Tu as senti ce courant d’air ?

– Silence ! ordonna le garde. Vos plaintes sont des insultes pour nos dieux.

Alema aurait tant aimé serrer son sabre laser dans la paume de sa main…

Un faible crissement de griffes sur du métal retentit dans le corridor. Elle regarda par-dessus son épaule et aperçut un ondoiement de ténèbres bondir dans le couloir stérile.

– Qu’est-ce que c’est que ça ? s’exclama-t-elle, ayant toutes les peines du monde à paraître étonnée. Qu’est-ce qu’il nous veut ?

Numa regarda à son tour, poussa un hurlement des plus convaincants et se mit à courir dans le tunnel en levant les bras au ciel. Alema cria elle aussi et courut à la suite de sa sœur. Le garde, stupéfait, essaya de leur emboîter le pas et leur ordonna de s’arrêter. En atteignant la section trente-huit, il poussa un nouveau cri de surprise, puis se mit à jurer dans sa langue lorsque le voxyn le dépassa en trombe au point de lui faire perdre l’équilibre.

Alema ne s’appesantit guère sur son sort.

– Fermeture de la section trente-huit ! hurla-t-elle. Code d’autorisation : nebula rubantine !

La cloison de la section s’abaissa derrière elle en sifflant et se verrouilla. Elle se déforma ensuite considérablement sous le poids du voxyn qui venait de la heurter. Alema sut qu’en refermant cette porte elles attireraient l’attention du commandeur Yuuzhan Vong. Il en serait de même, de toute façon, si elles laissaient le voxyn les rattraper. Elle espéra simplement que la créature s’était brisé le cou. Apparemment, non. La chose s’était relevée presque instantanément et frappait violemment le panneau de duracier.

Elles atteignirent la section quarante-deux. Numa s’approcha de la cloison extérieure et appuya sa paume contre la commande d’activation de la porte de la capsule de sauvetage.

– Attention ! Vous venez de demander l’accès à l’aire de lancement d’une capsule de sauvetage, déclara l’ordinateur avec la même voix de femme chaleureuse qu’il utilisait pour annoncer l’heure du dîner. Etes-vous certain de vouloir continuer ?

– Oui ! dit Numa.

– Si vous souhaitez continuer, une alarme retentira à la sécurité…

– Suppression de l’alarme, code : Pollux, huit, un, six ! cria Alema. Départ confidentiel !

– Suppression confirmée.

Lorsque l’iris de l’écoutille menant à la baie d’envol s’ouvrit enfin, un claquement sonore retentit au niveau de la section trente-huit. Alema comprit que le verrou hermétique de la cloison venait d’être forcé. Sa première pensée fut que quelqu’un, depuis le pont principal, avait dû commander l’ouverture de la porte, mais c’est à ce moment qu’elle entendit la voix étouffée de la femme ingénieur.

Le panneau s’éleva vers le plafond et le voxyn se précipita dans le corridor, ses cils sensoriels hérissés et les flagelles blancs de sa queue fouettant en tous sens. Les yeux jaunes de la créature fixèrent le sol, sa longue langue fourchue se mit à palper l’air ambiant. Plus que jamais, Alema regretta de ne pas serrer son sabre laser.

– Préchauffage de la capsule ! ordonna Numa, tout en poussant Alema dans la lumière bleutée de l’aire de décollage. Allez, c’est maintenant ou jamais !

Alema se retrouva face au réacteur à combustion primitif de la navette de sauvetage. Il faisait à peine un mètre de diamètre et suffisait tout juste à propulser l’engin et sa centaine de passagers vers la planète habitée la plus proche.

Dans le corridor, Numa aboya un nouvel ordre :

– Fermeture de la section quarante-deux ! Code d’autorisation : nebula rubantine !

– Le code de fermeture de la section est temporairement désactivé, répondit l’ordinateur de sa voix suave. Veuillez contacter un ingénieur responsable afin de lui exposer la nature de l’urgence.

– Procédure forcée ! cria Numa. Désarmement des capteurs de sécurité ! Code : Pollux…

Pendant que Numa finissait d’énumérer son code, Alema se glissa le long du réacteur pour gagner le flanc de la capsule. Un craquement sinistre retentit dans le couloir, mais il ne lui était plus possible de voir ce qui se passait à l’extérieur de la baie d’envol. Elle pressa sa paume sur la commande de mise en route de la navette. L’écoutille s’ouvrit en coulissant, révélant une cabine à l’éclairage austère où s’alignaient dix rangées de sièges à compensateurs d’accélération. Il n’y avait ni cockpit, ni hublot, et seul un droïde de pilotage se tenait face à l’unique tableau de bord de l’appareil.

Le droïde se tourna et indiqua le siège qui se trouvait le plus loin de la porte.

– Bienvenue à bord de la navette de sauvetage quatre-vingt-un. Veuillez vous asseoir en attendant les autres passagers. Il n’y a aucune raison de…

– Prépare-toi à un lancement à froid ! (Alema aurait certainement préféré le confort d’un lancement à chaud, mais la traînée du réacteur serait immédiatement, repérée par la passerelle. Même si leurs espoirs de s’échapper discrètement semblaient fondre comme neige au soleil, il fallait encore tenter le tout pour le tout.) Sur mon ordre. Code d’autorisation : Pollux…

– Le code d’autorisation d’urgence m’a déjà été donné, dit le droïde, retournant à son travail. Inutile de répéter le code d’autorisation d’urgence une fois qu’on a franchi la porte de la baie de lancement.

Un son répugnant d’éructation résonna dans le corridor et Numa poussa un cri. Alema sortit de la navette précipitamment et aperçut sa sœur en train d’avancer en titubant vers l’appareil, levant les mains pour se couvrir le visage. Elle manqua de peu l’ouverture, se cogna sur les montants de l’écoutille et tomba face contre terre en trébuchant contre le rebord du seuil. Sa figure et sa poitrine étaient recouvertes d’un mucus brunâtre et bouillonnant. Ses lekkus se mirent à frapper avec frénésie le sol de duracier.

Alema ne ressentit pas la douleur de Numa, bien qu’elle sache que cela pouvait arriver entre deux parents sensibles aux ondes de la Force, mais elle perçut distinctement les pensées de sa sœur. Numa était terrifiée à l’idée de perdre la vue et, plus que tout, elle avait peur que l’on découvre qu’elle était un Jedi et que cela entraîne la mort d’innocents. De plus, Numa était furieuse. Furieuse de son propre manque de prudence et de s’être laissé surprendre par la créature.

– Numa !

Alema fit un bond vers sa sœur et vit le voxyn ramper sous la cloison de la section quarante-deux, tirant de toutes ses forces sur ses pattes pour se glisser à l’intérieur. Son corps était presque complètement aplati et la Twi’lek fut stupéfaite de constater que l’animal bougeait encore. En raison de la violence avec laquelle elles étaient susceptibles de se refermer, les portes étanches des sections étaient en général équipées de détecteurs de sécurité. Mais on pouvait également ignorer ces détecteurs lorsqu’il fallait détruire quelque chose à l’aide du lourd panneau de métal et sauver le vaisseau stellaire.

Lorsque Alema s’approcha de sa sœur, la créature fit pivoter son large groin dans sa direction et pulvérisa un jet de salive brune à travers l’accès à la baie. Prévenue par ce qui était arrivé à Numa, Alema appela la Force à elle et, d’un imperceptible mouvement du bout de ses doigts, renvoya la déjection vers la créature. Le voxyn, plus rapide qu’un trait de laser, détourna la tête et évita le mucus.

Alema ne s’attarda guère sur lui. Les pensées de Numa étaient de plus en plus distantes, de plus en plus erratiques, et ses pleurs cédaient petit à petit la place à des gémissements. Alema attrapa sa sœur sous les aisselles, brûlant ses doigts dans la déjection acide et essayant de ne pas penser aux dégâts que cette substance était en train de causer au visage et aux yeux de Numa.

– Retrouve ton équilibre, petite sœur, dit-elle en traînant Numa jusqu’à la baie d’envol. Laisse la Force couler en toi.

Numa devint complètement silencieuse, son esprit se figea dans un calme presque inquiétant. Puis le calme se dissipa, laissant alors flotter une impression de paix persistante et une vague sensation de vide. Alema ne put retenir un cri et baissa les yeux. Elle découvrit que le mucus était en train de lui ronger les os des phalanges et sut que le courage finirait par lui manquer.

Elle porta le cadavre de sa sœur jusqu’à la baie de lancement de la capsule de sauvetage et releva la tête vers la porte. Le voxyn, toujours coincé sous le panneau de métal, l’observait attentivement. Une partie de sa tête était recouverte du résidu de sa salive acide. Les écailles prises dans la déjection craquèrent et fumèrent en se dissolvant. Les extrémités de plusieurs bâtons Amphi apparurent dans l’étroite ouverture sous le panneau, près du crâne de la bête, et tentèrent, en vain, de faire levier.

Une partie d’Alema – la partie qui ne pleurait pas sur le sort de sa sœur, la partie d’elle-même qui était encore un Chevalier Jedi – comprit que le dernier espoir de s’échapper discrètement s’était définitivement évanoui. Les Yuuzhan Vong entendraient le ronronnement de la fermeture du sas étanche et le claquement accompagnant l’éjection de la navette. Pourtant, elle se sentit obligée de continuer. De toute façon, la vie de Pollux et de ses hommes était désormais condamnée. Même si elle se rendait, elle en savait assez sur les Yuuzhan Vong pour ne pas croire que le commandeur extraterrestre pardonnerait au capitaine ses mensonges. Mais il faudrait tout de même un certain temps pour détruire un vaisseau aussi important que le Chasseur de Nébuleuses. Si Alema procédait rapidement à l’éjection, peut-être la frégate ennemie se déciderait-elle à poursuivre la navette de sauvetage au lieu de s’attaquer au navire stellaire. C’était là son seul espoir.

Elle se tourna vers l’écoutille.

– Fermeture de l’écoutille de la baie…

Le groin du voxyn, tout ce qu’Alema pouvait apercevoir de la créature, pivota vers elle et s’ouvrit sur une cinquantaine de centimètres. Un hurlement assourdissant lui vrilla les oreilles et, soudain, une onde de choc comprimée pareille à un poing la frappa à l’estomac. Sa tête se mit à tourner et elle fut prise de nausée. En une fraction de seconde, elle se retrouva plaquée contre la coque de la capsule de sauvetage, serrant toujours sa sœur entre ses bras. Elle sentit alors quelque chose de chaud lui couler de l’oreille. Elle porta ses doigts privés de chair à sa tempe. Quand elle baissa à nouveau sa main, les extrémités de ses os étaient maculées de sang écarlate.

Alema essaya de se relever, eut un haut-le-cœur, puis retomba en arrière. Sa tête tourna de plus belle et son estomac se révulsa. Tenant toujours Numa contre elle, elle rampa en s’aidant de ses pieds et franchit l’écoutille de la capsule.

– Décollage ! s’étrangla-t-elle. Décollage immédiat !

L’écoutille de la navette se referma, les lumières se tamisèrent. Et ce fut tout. La capsule demeura effroyablement silencieuse et immobile. Stupéfaite, Alema se traîna jusqu’au premier rang de fauteuils ergonomiques et regarda vers la proue. Le droïde pilote lui faisait face et son module vocal clignotait au fur et à mesure qu’il énumérait les différentes étapes réglementaires d’une procédure de lancement.

– Suppression des procédures ! hurla Alema. Code d’autorisation…

La capsule de sauvetage fit un bond en avant et Alema fut projetée contre le montant de duracier de l’un des fauteuils.

 

Jaina ne vit pas l’appareil décoller. Elle était en train d’étudier son tableau de bord, essayant d’aligner parfaitement les capteurs de communication de l’Ombre avec l’antenne de transmission de faisceaux concentrés du Chasseur de Nébuleuses. Le fait que le navire stellaire flottait au point mort à vingt millions de kilomètres du soleil orange aurait déjà rendu, dans le meilleur des cas, la tâche bien complexe. Avec la présence de la frégate Yuuzhan Vong, obligeant l'Ombre de Jade à se maintenir en position en utilisant exclusivement des jets d’air comprimé, cela devenait presque impossible.

Après plusieurs tentatives, Jaina finit par aligner les appareils de communication dans un périmètre-cible concordant avec l’orbite de la navette et la progression du Chasseur de Nébuleuses devant le disque du soleil orange.

– Et comme ça ?

R2-D2 fit défiler un message sur l’écran du tableau de bord.

– Non, je ne pense pas y arriver ! cria Jaina. Si tu reçois quoi que ce soit, affiche-le !

Une demi-douzaine de vidéos floues en deux dimensions se matérialisèrent à l’intérieur de la verrière, alignées de façon panoramique. La moitié montrait des guerriers Yuuzhan Vong se comportant comme tout bon guerrier Yuuzhan Vong : fracassant des droïdes, jetant des appareils électroniques dans des vide-ordures désintégrateurs, passant à tabac des réfugiés sans défense. Un écran montrait une sorte de reptile à huit pattes – était-ce bien un reptile ? – coincé sous une lourde porte de soute, la tête carbonisée par l’acide et les yeux éclatés par une décompression subite. Un autre écran présentait une aire de lancement de navette de sauvetage vide. Mais ce fut le dernier écran qui attira particulièrement l’attention de Jaina. L’image montrait la passerelle du Chasseur de Nébuleuses, où le Capitaine Pollux et les membres de son équipage étaient retenus prisonniers par un détachement de guerriers Yuuzhan Vong. Même si Jaina avait personnellement connu Pollux et si la transmission vidéo avait été meilleure qu’elle ne l’était actuellement, la jeune femme aurait été dans l’incapacité de reconnaître le capitaine. Son visage mutilé n’était plus qu’une masse informe.

Un guerrier Yuuzhan Vong dépourvu de nez arracha l’une des oreilles du capitaine.

– Pour la dernière fois : où avez-vous pris en charge les Jeedai ?

Aussi incroyable que cela paraisse, Pollux trouva la force de rire.

– Quels Jedi ?

Le Yuuzhan Vong pouffa.

– Capitaine, vous êtes un vrai comique. (L’extraterrestre déposa délicatement l’oreille arrachée dans la paume de la main de Pollux, puis se tourna vers ses subalternes.) Tuez tout l’équipage.

Ecœurée, Jaina se tourna vers Mara.

– Qu’est-ce qu’on peut faire ?

Mara conserva les yeux braqués sur l’ordinateur de navigation.

– Pour l’équipage, rien. Mais jette un coup d’œil à ça.

Elle pianota un code et une trajectoire dorée se matérialisa en travers du cockpit. Elle partait du Chasseur de Nébuleuses, plus ou moins perpendiculaire au cap maintenu par l’Ombre de Jade, et s’incurvait brusquement vers la planète.

– Une navette de sauvetage ? (Jaina releva les yeux vers le navire stellaire. La frégate Yuuzhan Vong flottait toujours au point mort à quelques encablures de l’ouverture de sa baie d’accostage.) Elles mettent en danger la vie de milliers de réfugiés et s’enfuient à bord d’une navette de sauvetage ? Elles, des Jedi ?

– On dirait bien. (Mara se mit à calculer une trajectoire d’interception.) Allons les cueillir avant qu’elles ne causent d’autres dégâts.

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